Lift your skinny fists like antennas to heaven !

La "culture" dans tous les sens du terme...

Modérateur: Alexandre B.

Lift your skinny fists like antennas to heaven !

Nouveau messagede Marc J. le Mar 09 Déc 2008 8:11

Le premier mot de cette rubrique du forum c'est « musique », et on n'en parle quasiment jamais. Alors comme je n'ai que ça à foutre en période d'exam, je vous balance une chro que j'avais écrite un jour où je n'avais rien à faire :mrgreen:




Vous me pardonnerez l'omission du nom du groupe dans le titre, mais le titre de la galette elle-même était difficile à faire tenir dans ce champ, décidemment trop petit pour un groupe de l'ampleur de Godspeed You! Black Emperor.

Replaçons rapidement dans le contexte : Godspeed You! Black Emperor est le groupe phare du post-rock canadien. Sans concession musicalement, activiste patenté, anti-capitaliste, anti-mondialiste, ne communiquant jamais - ou presque - avec les médias. Neuf musiciens font vivre le groupe - ou du moins le faisaient vivre jusqu'en 2002 ; il semblerait que, pris par leurs side-projects respectifs, ils laissent tomber GY!BE - trois guitares, deux basses, deux batteries, un violon et un violoncelle. Difficile d'en savoir plus ; leur manque de communication volontaire nous oblige à nous focaliser sur leur musique plus que sur leurs personnalités.
Voilà pour les présentations.

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Lift your skinny fists like antennas to heaven! est le troisième album des neuf de (non, pas Des Moines, désolé) Montréal, sorti en 2000. Cette galette de 87 minutes et 21 secondes est probablement l'une des œuvres les plus intéressantes que le post-rock nous ait livré ces dernières années.
L'album, découpé en quatre plages de plus de vingt minutes chacune, évoque plus la symphonie classique que l'album de rock : les quatre morceaux sont découpés en mouvements, et le tout est entièrement instrumental - à part les quelques samples qui parsèment l'album. Il compile les morceaux joués pendant l'année et demi précédant son enregistrement, agrémentés de samples, passages bruitistes et interludes.

Le premier morceau, « Storm » (22:32) commence par une formidable montée en puissance (« Lift your skinny fists like antennas to heaven ») laissant parler cordes et piano, avant de laisser exploser batteries (oui, GY!BE comprend deux frappeurs de fûts) et guitare. Certains évoqueront Wagner, d'autres penseront à Ravel ; bref, une fois de plus, la facture est très classique (au sens noble du terme). Après une légère pause, de nouvelles ambiances se mettent en place (« Gathering Storm/Il Pleut à Mourir ») ; l'atmosphère se fait plus noisy, et évoque volontiers le rock bruitiste des Youth, ou d'autres grands noms de la noise.
Un interlude (« Welcome to Barco AM/PM...' »), et quelques notes angoissantes résonnent au piano (« Cancer Towers on Holy Road Hi-Way »), avec en arrière fond quelques paroles samplées, pour clore ce premier morceau.

« Static » (22:35) résonne alors dans nos oreilles. Un passage planant légèrement noise (« Terrible Canyons of Static ») est suivi de l'angoissant et bruitiste « Atomic Clock ». S'ensuit un magnifique solo de violon accompagné de sample (« Chart #3 »), laissant place à la montée ô combien salutaire de « World Police and Friendly Fire », l'une des pièces les plus impressionnantes de cet album - et c'est peu dire. Après cette succession de passage bruitiste et mélancolique, ce mouvement de 9:48 - se cloturant sur « The Buildings They Are Sleeping Now » - est une véritable bouffée d'air frais pour l'auditeur, prêt à replonger dans les méandres de cette album.

« Murray Ostril: '...They Don't Sleep Anymore on the Beach...' » ouvre « Sleep » (23:17), un monologue surréaliste de 1:10... La voix du Murray Ostril semble se briser, sur l'ouverture de « Monheim » et son violon mélancolique. Nouveau morceau épique de cet opus, « Monheim » oppose au son saturé du violon la rythmique, nonchalante avant de devenir diablement entraînante, mise en place par la batterie et les trois guitares. Le mouvement se termine sur une explosion bruitiste, laissant nos oreilles étourdies par le violon. Le tranquille « Broken Windows, Locks of Love Pt. III. » clot doucement cette plage.

Un air country d'une autre ère ouvre « Antennas to Heaven » (18:57) (« Moya Sings 'Baby-O'... ») qui s'enchaîne directement avec « Edgyswingsetacid » aux sonorités inquiétantes... Laissant rapidement place aux tintinabulements de « [Glockenspiel Duet Recorded on a Campsite In Rhinebeck, N.Y.] ». Comptines en québecois et voix d'enfants suivent (« 'Attention...Mon Ami...Fa-Lala-Lala-La-La...' »), continuant à installer l'ambiance surréaliste de cette pièce. « Antennas to Heaven » est probablement le morceau le plus expérimental de l'album ; cet aspect est en tout cas très présent sur ces premiers mouvements. Quelques cordes mélancoliques - encore - ouvrent le mouvement suivant (« She Dreamt She Was a Bulldozer, She Dreamt She Was Alone in an Empty Field »), avant une explosion impromptue, fugace et étourdissante. Elle nous laisse avec un sifflement de vent dans les oreilles, avant que les cordes ne reprennent la parole, lentement suivi par batteries et guitares, pour l'un des mouvements les plus chargés en émotion de la galette. Le morceau - et l'album - se termine sur « Deathkamp Drone » et « [Antennas to Heaven...] », mouvements atmosphériques, encore fortement tintés d'expérimental, qui permettent doucement à l'auditeur de redescendre sur Terre, après ce voyage auditif avec Godspeed You! Black Emperor.

Godspeed You! Black Emperor propose, avec ce Lift your skinny fists like antennas to heaven! l'un des albums les plus riches et denses en émotion du post-rock. Musique intelligente, mélodies et compositions chiadées, richesse sonore incomparable... Cette production est, et restera encore longtemps, à des années-lumière de la production actuelle. Leur science de la structuration des morceaux, qu'ils construisent patiemment, est incomparable ; leur science de la destruction de ces mêmes structures est ahurissante. Ce disque nous entraîne sur des montagnes russes, musicalement comme émotionnellement.
Si le terme - un peu trop galvaudé - de post-rock devait exister, ça serait définitivement pour cet album.


Storm
Static
Sleep
Antennas to heaven
(Merci Deezer !)

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